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Le jour où j'ai arrêté de coder (enfin presque)

Le déclic

On ne décide pas de devenir manager comme on choisit un nouveau framework.

Pour moi, ça a été un mélange. Une opportunité, une envie latente. J’ai toujours aimé comprendre le pourquoi des choses.

  • Pourquoi on construit cette feature ?
  • Pour qui ?
  • Quel problème on résout vraiment ?

Cette curiosité m’a naturellement poussé à sortir du code. À aller discuter avec les clients, les métiers. À les aider à formuler ce qu’ils voulaient vraiment.

Avec le recul, j’étais déjà un peu manager sans le titre.

Jusqu’au jour où le titre est arrivé.

Le moment de bascule

Il y a un moment précis où j’ai réalisé que je n’étais plus développeur.

Une semaine comme une autre. Je regarde mon agenda : plus de 20 heures de réunions. La semaine d’après, pareil. Et celle d’encore après.

Pas de moment “code” prévu. Pas de ticket. Juste des points, des synchros, des 1:1, des alignements…

Le clavier était toujours là. Mais il servait surtout à prendre des notes.

C’est difficile

Devenir manager de l’équipe dans laquelle tu étais déjà.

Ces mêmes personnes avec qui tu débattais de patterns la veille, tu dois maintenant les “encadrer”. Et certains sont plus forts techniquement que toi. Tu le sais. Ils le savent.

Le syndrome de l’imposteur, je l’ai pris en pleine face.

Comment je m’en suis sorti ? En écoutant. Beaucoup. En m’appuyant sur ces gens plutôt qu’en essayant de prouver quoi que ce soit.

Et surtout, en acceptant une évidence : ce sont deux métiers différents.

Ce n’est pas à moi d’être le plus fort techniquement. Je suis là pour enabler l’équipe. Point.

C’est piégeux

Ma plus grosse erreur de jeune manager ? Être le manager copain.

Quand tu viens de l’équipe, la tentation est énorme. Ne rien changer. Rester “l’un des leurs”. Ne pas trop s’affirmer pour ne froisser personne.

Sauf que ça ne marche pas.

Il faut apprendre à trancher. À dire non à quelque chose qu’on sait inutile. À prendre des décisions qui ne plaisent pas.

Et ce n’est pas qu’avec l’équipe. En prenant du galon, il faut aussi se faire entendre par les N+. Challenger, argumenter, défendre.

La bienveillance ne signifie pas l’absence de courage.

C’est traître

Il y a un réflexe que je combats encore : le mode “solver”.

Je connais certains projets de mon équipe sur le bout des doigts. Parfois trop bien. Et quand un problème arrive, ma première impulsion c’est de mettre les mains dedans. Résoudre. Débuguer. Livrer.

Le problème, c’est que ce n’est plus mon rôle.

Mon rôle, c’est d’aider les gens à grandir. Pas de faire à leur place.

Chaque fois que je “solve”, je rate une occasion de les faire progresser. Et je leur envoie un signal pas terrible.

C’est un combat permanent. Certains jours, je perds.

C’est paradoxal

Ce qui me manque le plus depuis que j’ai quitté le développement quotidien ? Coder.

Ce que je ne regrette pas ? Coder toute la journée.

C’est exactement la même réponse. Et c’est exactement ça le truc.

Le flow du développement, la satisfaction de voir un truc marcher… ça me manque.

Mais les journées entières dans le code, déconnecté du reste, les specs floues qu’on implémente sans questionner… ça, non.

Cette dualité, on ne peut la comprendre qu’en la vivant.

C’est un chemin

Est-ce que je me sens “à ma place” aujourd’hui ?

Honnêtement, je ne sais pas. J’ai toujours l’impression d’avoir beaucoup à apprendre. La vision long terme, le coaching, l’art de poser les bonnes questions…

Peut-être que c’est normal. Peut-être que le jour où on se sent “arrivé”, c’est le jour où on arrête de progresser.

À ceux qui veulent franchir le pas

Si un dev senior venait me voir demain en me disant “je pense à passer manager”, voilà ce que je lui dirais :

Fonce.

Mais je le mettrais aussi en garde.

La responsabilisation change beaucoup de choses. L’état d’esprit n’est plus le même. L’implication non plus. L’agenda encore moins.

Tu ne peux plus te “cacher” derrière du code bien écrit. Ton impact devient plus diffus, plus lent à se manifester.

Et paradoxalement, c’est aussi ce qui rend le job passionnant.


J’ai eu la chance d’accompagner un senior dev vers un rôle de lead l’année dernière.

C’est une des satisfactions les plus profondes de ce métier.

Alors oui, le jour où j’ai arrêté de coder, j’ai perdu quelque chose. Mais j’ai trouvé autre chose.

Différent. Peut-être plus grand.

Enfin, la plupart du temps 🙈